Identifier les techniques de désinformation

Principale catégorie de procédés anti-démocratiques, la désinformation s’avère un phénomène récurrent. Elle consiste à propager délibérément des informations fausses pour influencer une opinion et affaiblir un adversaire.

A. La rumeur

Les effets négatifs d’une rumeur au cours d’une campagne électorale peuvent être importants pour l’homme politique visé. Elle nuit à son image auprès de sa cible ou crée une atmosphère de soupçons. Dans le cadre partisan, une rumeur démobilise aussi la base militante du candidat voire réduit son électorat. Sa propagation peut, par Internet et les médias, s’avérer extrêmement rapide. Si celle-ci apparaît peu avant les élections, l’homme politique n’a pas le temps d’agir afin d’en contrer les effets.
Pour être efficace, une rumeur n’a pas besoin de faits réels. À partir du moment où les faits allégués sont plausibles et qu’il n’existe pas d’arguments simples et irréfutables pour les contrer, la rumeur commence à œuvrer. Même si elle a été officiellement réfutée et qu’il a été prouvé qu’elle était infondée, les dommages causés en termes d’image ne disparaissent pas sur le court terme. L’image de l’homme politique a changé, y compris dans l’inconscient des individus.
Pour fonctionner, une rumeur peut aussi ne pas être fondée sur des arguments, ne pas être véridique ou ne pas être crédible. Elle peut être fabriquée à partir de fausses preuves telles qu’une photographie modifiées ou encore un faux témoignage d’expert.

B. Les caractéristiques d’une rumeur

Afin qu’elle soit propagée, une rumeur est conçue par ses auteurs pour être valorisante à retransmettre. Les individus qui en ont connaissance se mettent ainsi en valeur vis-à-vis de leurs proches en leur communiquant l’information. Les rumeurs les plus propagées sont celles fondées sur des renseignements apparaissant comme rares et précieux. Elles ressemblent en quelque sorte à la révélation d’un secret et apportent donc un certain prestige à leurs détenteurs. L’information rumorale ne doit donc pas être initialement connue du public.
Les personnes qui la transmettent y associent leur crédibilité. Elles se positionnent d’une certaine manière en tant que garant de la véracité de l’information. Elles ne doivent pas avoir de doute fort à ce sujet ; la retransmission mettrait sinon à mal leur propre crédibilité. Les rumeurs sont donc souvent conçues pour apparaître de source sûre.
Une rumeur est en outre fondée sur un fait. À l’inverse d’un fait, une opinion est plus difficilement justifiable et les personnes ont souvent peur de les exprimer sous peine d’être jugées. Enfin, une rumeur est la plupart du temps négative. La propagation d’un fait positif est beaucoup plus faible, sauf si celle-ci s’effectue au sein de groupe de partisans.

C. Les rumeurs sur le circuit Internet

Le circuit habituel de la rumeur est le bouche à oreille. Mais aujourd’hui Internet est devenu un puissant vecteur de propagation de rumeurs. Sur Internet, le circuit classique comporte quatre étapes. L’information rumorale circule tout d’abord d’internaute en internaute via les forums, courriels, ou encore sites communautaires. Ensuite, elle est reprise par les prescripteurs d’opinion et notamment les blogueurs. Une fois qu’elle a dépassé un certain seuil de notoriété sur les blogs, des journalistes spécialisés sur le canal Internet la traitent. Elle peut ensuite être reprise par la presse comme actualité.

D. Le FUD

La stratégie de FUD (« Fear Uncertainty and Doubt », pour « Peur, Incertitude et Doute ») consiste à tenter d’influencer le public en utilisant des informations négatives, souvent à l’encontre des candidats adverses. La manœuvre a pour but de provoquer le doute et d’inspirer la peur.
Les informations ne sont souvent pas prouvées mais cet aspect reste secondaire. Il s’agit d’incertitudes, d’hypothèses, qui ont pour but de pénétrer dans l’inconscient collectif et de créer un doute. Ce doute viendra au final ternir l’image du sujet.
Un FUD se fonde sur trois éléments : un sujet visé, un événement, une source d’information.
Le sujet peut être un individu comme le candidat ou une organisation comme son parti politique. Ce sujet est accusé d’être la cause d’un événement présenté comme dramatique qui pourrait se produire. La source représente l’origine de la découverte de l’événement, elle en justifie la véracité.
Le FUD comporte plusieurs caractéristiques représentatives. D’abord, la source n’est pas directement accessible, elle est diffuse et ne peut donc pas directement être critiquée. En outre, la base contextuelle de l’événement est difficilement compréhensible pour les non-initiés. Il est expliqué avec un vocabulaire technique, son inexactitude n’est pas aisément présentable au grand public, la manipulation délicate à dénoncer. En outre, le FUD crée un sentiment d’urgence en incitant le public à réagir rapidement pour éviter ce qui pourrait se passer. Il est conçu pour inspirer un sentiment de peur vis-à-vis de l’événement qui est susceptible d’arriver. Enfin, il critique au passage le sujet, exagérant ses faiblesses et minimisant ses forces.
En période électorale, les FUD ont généralement pour cible l’une des propositions du programme du candidat. Si ce dernier est élu, il la mettra en application, ce qui entraînera l’événement redouté : insécurité, récession économique, augmentation de l’imposition par exemple.

E. L’homme de paille

La technique de l’homme de paille est utilisée pour attaquer la position, l’argumentaire d’un rival. Il s’agit, dans un premier temps, d’associer la position adverse à une qui soit similaire mais plus fragile, souvent erronée et facilement réfutable. L’étape suivante consiste à attaquer cet élément de fragilité pour démontrer l’erreur de la position originale adverse. In fine, l’argumentation adverse est donc substituée par une argumentation facilement réfutable.
Plusieurs techniques sont utilisables. Il peut s’agir:

  • de simplifier l’argumentation en ne conservant que les arguments les plus faibles ;
  • d’associer la position à celle d’une autre personne qui est en tort ;
  • de présenter la position hors de son contexte de façon à ce qu’elle soit interprétée de manière différente et perde de sa force ;
  • de simplifier les arguments afin qu’ils soient fragilisés ;
  • d’associer la position à une personne qui la défend de façon plus faible et d’attaquer le raisonnement de cette personne ;
  • d’associer une fausse argumentation à la personne qui défend la position et la réfuter.

F. La désapprobation

Cette technique est utilisée pour faire désapprouver une idée par un auditoire. Le manipulateur suggère que l’idée est populaire parmi un groupe qui inspire un sentiment de rejet, de haine, de peur ou de mépris. Il y a transfert négatif d’image et d’émotions du groupe vers l’idée visée. De plus, si un membre de l’auditoire accepte ouvertement l’idée, il est associé au groupe polémique, et s’isole en le faisant.
L’influence de la pression sociale réduit le nombre de personnes susceptibles d’adhérer à l’idée. Cette dernière est en quelques sortes associée à l’image négative du groupe socialement hors norme. Tout individu qui approuverait l’idée serait rejeté. Les personnes ont donc moins tendance à adhérer à l’idée mais surtout à n’exprimer que peu leur préférence, de peur de s’isoler.
En période électorale, les principaux éléments ciblés sont les idéologies, les positions, les propositions du programme des candidats. Les hommes politiques eux-mêmes peuvent être visés. Une représentation de la cible, logo, photographie, symbole, citation, est associée à une représentation de la source négative. Parfois, l’élément associé à la cible n’est pas socialement hors-norme mais simplement négatif. On parle de transfert d’image.

G. La simplification

Cette technique consiste à suggérer une interprétation simplifiée d’une situation, position ou concept, de façon à orienter ou proposer un jugement. Il peut s’agir de proposer une solution simple à un problème complexe, de réduire une situation à une alternative entre un bon et un mauvais choix. Il s’agit d’une solution de facilité pour un auditoire, éduqué mais ne se donnant pas les moyens d’évaluer tous les aspects de la situation. Une simplification respecte trois caractéristiques : elle est simple et concise, elle donne l’impression de cerner entièrement le sujet, la source est crédible (des experts, l’autorité...).
En période électorale, de nombreuses propositions sont abordées par les candidats. Certaines sont complexes. Elles sont parfois décrites de manière faussement simplificatrice de façon à orienter vers un rejet. Par exemple, l’implantation d’une usine sur la localité est présentée comme entrainant de la pollution et donc à refuser.